Notre objectif est
de larguer une bouée munie de capteurs au larde des côtes de Terre
Neuve dans l'Atlantique afin qu’elle dérive en remontant vers le Nord.
Nous pouvons nous demander de quelle façon notre bouée Poséidon va
dériver et quels sont les paramètres qui expliquent le déplacement de
ces masses d'eau qui vont entraîner la bouée.
1) Mécanismes des courants marins
a) La température des océans
La Terre reçoit de façon inégale l'énergie solaire : elle n'est pas la
même selon que l'on se trouve au pôle ou à l'équateur. La zone
intertropicale reçoit ainsi autant d'énergie que le reste de la planète
comme le montre la carte mondiale de l'ensoleillement annuel moyen
Ensoleillement (en W/m²)
De même que l'atmosphère, l'océan a une grande influence sur le climat
mondial. En été, lorsque l'ensoleillement est plus important, la
surface des océans se réchauffe. Par l'intermédiaire des vents et du
mouvement des vagues, la chaleur est ainsi redistribuée sur une couche
d'une quinzaine de mètres. L'océan, qui se réchauffe moins vite que
l'air, met néanmoins beaucoup plus de temps à se refroidir. Ainsi,
l'océan, dont on peut dire qu'il a une "mémoire" nettement plus
importante que l'atmosphère, stocke pendant de longues périodes
l'énergie solaire emmagasinée tout au long de l'été. Les courants
océaniques de surface, tels que le Gulf Stream, transportent cette
chaleur de l'équateur vers les pôles. C'est dans les zones de haute
latitude, lorsque l'hiver arrive et que les vents sont plus violents,
que l'océan se refroidit tout en relâchant sa chaleur. Ce déséquilibre
met en mouvement l'atmosphère et les océans qui vont rééquilibrer
thermiquement l'ensemble.
Carte de la température moyenne annuelle de surface des océans (en C°)
b) Le vent comme moteur
Les vents sont les facteurs principaux des courants de surface. Ils
sont régis par une alternance de basses et de hautes pressions selon la
latitude, de sorte que les moyennes latitudes sont les régions des
vents d'Ouest et que l'équateur est le siège des vents d'est (les
Alizés).
Schéma de la circulation atmosphérique au niveau de la mer
("+" montrent les régions de haute pression et les "-" celles de basse pression.)
Les vents réussissent à mettre en mouvement des masses d'eau jusqu'à
800 mètres de profondeur. La surface de l'eau peut être animée de
bosses et de creux, de ce fait notre bouée Poséidon sera soumise à des
chutes pouvant atteindre 10 mètres de hauteur. Elle doit donc pouvoir y
résister.
c)La différence de densité des eaux salées
Les vents n'ayant plus d'influence après 800 m de profondeur, ils ne
peuvent être les moteurs des circulations océaniques profondes. Ces
courants sont basés sur des différences de température et de salinité
entre les différents océans. C’est la circulation thermohaline. Les
eaux chaudes de surface se chargent en sel, à cause de l'évaporation,
ce qui tend à les rendre plus denses. En hiver, lors de la formation de
glace de mer, le sel reste préférentiellement dans l'eau résiduelle.
L'eau des océans est alors plus chargée en sel donc plus dense,
permettant la plongée des eaux vers les profondeurs. L'eau des pôles
retourne en profondeur vers l'équateur : ce sont les circulations
profondes.

Carte de la circulation thermohaline dans les océans du monde
2) Le Gulf Stream
a) Son histoire
En 1513, le navigateur espagnol Ponce de León remarqua qu'au large de
la Floride ses vaisseaux étaient constamment emportés par un courant
marin d'eau chaude venant de la mer des Antilles. Il ne savait pas
encore qu'il venait, sans le vouloir, de découvrir un des courants
marins permanents les plus importants : le Gulf Stream. Sa découverte
resta sans suite pendant plus de deux cent cinquante ans et ce n'est
qu'après les travaux de Benjamin Franklin, consistant en une série de
prises de températures à travers l'océan, délimitant ainsi les limites
du courant, que l'existence du Gulf Stream fut reconnue. Il établit par
la suite une carte hydrographique de ce courant afin d'indiquer aux
marins le moyen de s'en servir au cours de leur navigation.
Carte sur la navigation de Terre Neuve à New York représentant le Gulf Stream - Dessinée au XVIIIème siècle
Aujourd'hui l'existence du Gulf Stream a été prouvée et est étudiée par
de nombreux scientifiques. Une multitude d'hypothèses ont ainsi été
formulées à son sujet. Il est donc pertinent de se demander comment ce
phénomène océanique se met en place, fonctionne, influence le climat et
de quelle façon il risque d'évoluer au cours des prochaines années.
b) Géographie et circulation
Le Gulf Stream nait sur la côte est des Etats-Unis d’Amérique, au large
de la Floride, puis une des branches se dirige vers l’océan atlantique
vers le Grœnland, l’Islande et l’Europe. On connaît ses dimensions : de
80 à 150 km de large et de 650 à 1200 mètres de profondeur.
Le Gulf Stream est issu de la jonction de deux courants : d'une part le
courant nord-équatorial, venu des côtes africaines ; d'autre part le
courant des Caraïbes, qui trouve son origine dans l'Atlantique Sud et
contourne les Antilles par le golfe du Mexique. Les forts vents
équatoriaux mettent en mouvement les eaux de la région des Caraïbes.
Etant donné qu'il y fait chaud et qu'il n'y pleut pas beaucoup, ces
eaux sont chaudes et très salées. Ces masses d'eau chaude et salée
deviennent un large courant qui prend la direction de l'Atlantique
Nord. Malgré le fait que son eau soit très salée, ce courant reste en
surface car il est aussi très chaud. Le Gulf Stream traverse ensuite
l'Atlantique, et réchauffe sur son passage les côtés de l'Europe de
l'Ouest qu'il contourne pour remonter vers le Nord. Arrivées dans
l'Atlantique Nord, ses eaux commencent à se refroidir. Et donc, pour
une température égale, elles sont beaucoup plus salées que les eaux
environnantes. Elles plongent donc vers le fond de l'océan.
Nous nous intéresserons à la partie Nord du Gulf Stream.

Parcours du Gulf Stream dans l'Océan Atlantique
c) A quoi sert le Gulf Stream ?
Le Gulf Stream constitue une source de chaleur jouant un rôle essentiel
sur le climat doux et agréable de l'Europe. Par le biais de la "dérive
nord atlantique", le courant océanique venant des zones tropicales du
Mexique, réchauffe la façade nord-ouest de l'Europe. En effet, sans le
Gulf Stream, l'Europe de l'Ouest connaîtrait le même climat que le
Canada ; un climat à la fois continental et polaire. La carte suivante
montre d'une façon indiscutable l'influence du Gulf Stream sur les
côtes Européennes.
Carte des températures atmosphériques au mois de janvier
On constate, comme précédemment, une grande différence entre l'Europe
de l'Ouest et le Canada, deux régions pourtant à la même latitude.
L'influence du Gulf Stream sur le climat Européen apparaît donc comme
important et même indispensable au mode de vie auquel se sont habitués
les Français.
d) Et s'il n'était plus là ?
La disparition du Gulf Stream a été envisagée par les scientifiques,
qui l’estiment à moins de 200 ans. Il y a eu plusieurs hypothèses de
faites sur les conséquences de la disparition de ce courant marin.
Effectivement, la température a augmenté de 0,6 °C en 100 ans, à
la surface du globe et la fonte des glaciers provoque
l’augmentation du niveau de l’océan. Cette fonte des glaciers est à
l'origine d'un apport d'eau douce sur cette région. Si jamais cet
apport venait à être trop important, alors la circulation thermohaline
ne pourrait plus se faire et le Gulf Stream pourrait disparaître. En
effet, un important apport d'eau douce diminuerait les différences de
densité de l'eau entre l'océan arctique et la mer de Norvège. Le lieu
de plongée des eaux froides et salées se retrouverait au niveau des
Açores et le Gulf Stream se replierait sur lui-même n'allant plus
au-delà des Açores.
Pour certain, les courants de l'Atlantique nord pourraient avoir perdu
30 % de leur force d'ici 2100, permettant des hivers plus froids
au nord de l'Europe qui ne masqueraient toutefois pas le réchauffement
en cours en Europe.